Le cadre normatif consacré au statut de l’enfant mineur en droit civil est issu de la loi du 13 avril 1995 qui a introduit le régime de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. En 1995, l’autorité parentale a été conçue exclusivement comme un pouvoir décisionnel attaché à la qualité de parents, que ces derniers pouvaient imposer à leur enfant mineur. La notion de « puissance paternelle » avait été renommée « autorité parentale » en 1987 pour traduire, dans les textes, le principe de l’égalité des deux parents dans l’exercice des droits parentaux.
En revanche, le contenu du pouvoir décisionnel accordé aux parents n’a pas été modifié : héritage d’une conception selon laquelle l’adulte est en droit d’imposer son autorité, ses choix et ses valeurs à son enfant et de prendre dès lors toutes les décisions censées correspondre à son intérêt, la loi de 1995 ne conçoit pas l’enfant comme acteur de sa propre éducation. En effet, le législateur de 1995 n’a pas envisagé que l’éducation est un processus complexe et progressif auquel l’enfant, même s’il est encore mineur, peut être associé, ainsi d’ailleurs que la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient l’a, par la suite, prévu à propos des décisions médicales concernant un enfant mineur.
En 25 ans, un changement de paradigme essentiel – dont la portée et les limites doivent assurément être analysées et débattues – a été opéré concernant les droits de l’enfant mineur et la place qu’il est appelé à prendre dans l’exercice des prérogatives parentales. La Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE) signée à New-York le 26 janvier 1990 et ratifiée par la Belgique a été à l’origine d’une redéfinition de toutes les institutions juridiques concernant les enfants mineurs dont les intérêts doivent être pris en considération de manière primordiale dans toutes les décisions qui les concernent. Ce principe a été consacré en 2008, par l’article 22bis, alinéa 4 de la Constitution.
Pour autant, aucune réforme n’est venue modifier les textes légaux consacrant les droits des parents sur leur enfant mineur. La loi sur l’hébergement égalitaire du 18 juillet 2006 a introduit une règle portant sur les modalités de partage du temps de vie de l’enfant en cas de séparation et la loi du 19 mars 2017 a inséré des dispositions concernant le statut des accueillants familiaux. Mais les textes que les juges appliquent, jour après jour, pour résoudre les conflits parentaux sont toujours ceux de 1995, reposant sur des concepts datés et une formulation perfectible.
Les autres pays ont fait évoluer leur dispositif normatif pour intégrer la nouvelle idéologie à laquelle adhèrent tous les Etats signataires de la CIDE et dont les principes fondateurs ont été développés dans les Observations générales du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies et déployés par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, ainsi que de la Cour européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En droit positif, le dispositif normatif consacré à l’autorité parentale se résume principalement à deux dispositions légales (articles 373 et 374 du Code civil) n’intégrant ni la portée précise des responsabilités parentales ni la nouvelle dimension donnée aux droits de l’enfant par les textes supranationaux et les plus hautes juridictions. Bien plus, le cadre légal de la procédure d’audition de l’enfant se retrouve dans les articles 1004/1-2 du Code judiciaire.
Partant du constat que notre arsenal législatif présente un déficit de contenu, de cohérence et de lisibilité des règles légales applicables à la matière de l’autorité parentale et que l’ensemble du cadre normatif concernant les droits de l’enfant mineur mérite d’être repensé au regard des nouvelles valeurs qui modifient fondamentalement le rôle de l’enfant mineur en le plaçant au cœur des règles visant à déterminer sa place et ses droits au sein de la famille, un groupe de recherche réunissant des spécialistes du droit familial de l’enfance de toutes les universités francophones s’est réuni dans l’objectif de proposer une nouvelle réforme de la matière.
Les travaux de recherche se limiteront au champ du droit civil principalement et auront pour vocation de se déployer selon un axe de recherche pluridisciplinaire visant à inclure des pistes transversales ainsi qu’une approche de terrain auprès des tribunaux de la famille.
L’objectif de la recherche est d’aboutir à la rédaction d’un texte présentant l’état du droit (exposé des motifs), les insuffisances et difficultés du droit en vigueur et les différentes pistes en vue d’une réforme législative.
Seront traités notamment les thèmes suivants : la redéfinition des concepts fondateurs de la matière au regard des instruments supranationaux, les droits de l’enfant mineur sur le plan personnel (nom, religion, vie privée, droits sur son corps) et dans le cadre des procédures judiciaires (prise en considération de la parole de l’enfant mineur, rôle des experts psy, place de l’enfant dans les modes alternatifs de règlement des conflits, représentation de l’enfant en justice, règles de compétence et procédure devant le tribunal de la famille, droits alimentaires de l’enfant mineur), ainsi que les droits des parents sur la personne et les biens de l’enfant mineur (droit à une éducation non violente, l’autorité parentale et le droit d’hébergement, le droit d’administration et de jouissance sur les biens et les mécanismes protecteurs des biens de l’enfant).
Les recherches seront menées sous l’encadrement d’un comité de pilotage composé d’un représentant de chaque université francophone : Yves-Henri Leleu (ULg), Nathalie Massager (ULB), Géraldine Mathieu (UNamur) et Jehanne Sosson (UCLouvain-USLB).
L’objectif est d’aboutir à un texte finalisé de réforme pour la fin de l’année 2021.